Interview de Sascha Nick
Chercheur à l’EPFL et professeur de durabilité à la Business School Lausanne.
Co-auteur du Rapport d’audit du Plan climat vaudois 1ère génération du Laboratoire d’Economie Urbaine et de l’Environnement de l’EPFL
L’objectif du Plan climat vaudois de réduire les émissions de 50 à 60% à l’échéance de 2030 n’a aucune chance d’être atteint avec le Plan tel qu’il est.
La mesure principale est la sobriété or, dans le Plan Climat, il n’y a pas de sobriété.
La sobriété n’est pas la somme des actions individuelles. La sobriété est un principe d’organisation de la société.
Je ne peux pas mettre en place tous les services qu’il me faut au quotidien. Il est nécessaire d’agir au niveau collectif.
Qu’est-ce qu’un Plan Climat ?
Un plan Climat c’est un plan d’action territorial. Nous avons trois niveaux de gouvernance en Suisse, la commune, le canton et la confédération et donc chacun des trois niveaux a des moyens d’action. Un plan climat cantonal est le plan de coordination et d’action au niveau cantonal
Ce plan s’inscrit dans les objectifs de la confédération liés aux accords de climat de Paris, signés en 2015. Le canton, comme la confédération, doit s’inscrire dans un plan compatible avec le respect des 1.5 degrés de l’accord de Paris. A savoir arriver au net zéro en 2050 et réduire les émissions de CO2 équivalente, donc les gaz à effet de serre, de moitié en 2030 par rapport à 1990.
Entre 1990 et 2020 il y a eu une petite réduction donc l’essentiel de cette moitié de réduction reste à faire.
Quels sont les bons aspects et les limites du Plan Climat Vaudois ?
Le bon côté du Plan Climat Vaudois est qu’il traite les 4 grands domaines qui sont à l’origine de la plupart des émissions. Dans l’ordre, la mobilité, le bâtiment, l’industrie et l’agriculture. Dans le Plan il y a un volet pour chacun des quatres.
Nous avons à la fois découvert la qualité des propositions, donc des plans d’action, des actions stratégiques qui ont toutes un sens. Et nous avons également découvert que la somme des actions, même si individuellement elles font sens, ne correspondent pas à l’objectif que s’est fixé le canton.
Donc quand on se fixe un objectif de réduire les émissions de 50 à 60% à l’échéance de 2030, cet objectif n’a aucune chance d’être atteint avec le Plan tel qu’il est. Donc on peut garder ce qui est là mais il faut ajouter d’autres mesures.
Et quelles sont ces autres mesures ?
Essentiellement de sobriété. Donc dans l’action pour le climat il y a plusieurs axes. La principale étant dans l’ordre la sobriété, c’est-à-dire, réduire le niveau d’activité, le niveau de consommation, le niveau de voyages, etc.
L’efficience, donc c’est à dire en général des meilleures techniques qui permettent de faire la même chose avec moins d’énergie.
Et troisièmement, bien sûr, d’utiliser de l’énergie propre : l’énergie solaire, éolienne, hydraulique, etc.
Alors, il y a du deuxième et du troisième dans le Plan Climat, il n’y a pas de sobriété.
En tant que citoyen, qu’est-ce que je peux faire ?
En tant que citoyen on peut faire beaucoup de choses. Vous pouvez changer la façon dont vous vivez, dont vous consommez, dont vous voyagez, dont vous passez des vacances, etc.
Mais la sobriété n’est pas la somme des actions individuelles. La sobriété est un principe, principe d’organisation de la société. Et si on organise la société pour le principe de la sobriété on peut atteindre un niveau de bien-être très élevé pour tous avec très peu de moyens.
Si la société n’est pas faite pour, ça devient très difficile au niveau individuel.
Vous pouvez donner un exemple ?
Si tout est au mauvais endroit, je dois me déplacer beaucoup. Si tous les services dont j’ai besoin au quotidien sont là où je vis ou je vis là où il y a tous les services au quotidien, c’est très facile de ne pas beaucoup se déplacer.
Donc si je suis le seul à agir, je ne peux pas moi-même mettre en place tous les services qu’il me faut au quotidien. Et c’est pour cela qu’il est nécessaire d’agir au niveau collectif. Et c’est d’ailleurs le canton, et évidemment les communes mais aussi la confédération qui doivent commencer.
Vous abordez aussi les assemblées citoyennes dans votre rapport.
Les assemblées citoyennes sont une proposition et une pratique pour améliorer la qualité de notre démocratie. Nous aimons beaucoup la démocratie en Suisse et comparé à beaucoup d’autres pays ça fonctionne plutôt bien. Mais la démocratie Suisse est loin d’être parfaite.
Si on peut améliorer la qualité de la gouvernance et la qualité de prise de décision, c’est essentiel. On a plusieurs décennies d’expérience en la matière et plusieurs centaines d’exemples. Les assemblées citoyennes ont presque toujours pu trouver des convergences, permettant d’agir, sur des sujets pourtant très complexes portant sur des questions éthiques, des questions de moralité, des questions de valeurs différentes ou différenciées.
ça fonctionne assez bien. L’idée est à la fois d’améliorer la qualité de gouvernance, la qualité de prise de décision mais aussi de créer une adhésion dans la population. Si c’est les citoyens qui décident eux-mêmes, qui participent au processus, ils auront une meilleure adhésion aux décisions qu’ils prennent eux-mêmes.
Dans votre rapport vous parlez à la fin d’une réduction de 53% des émissions avec une augmentation de la qualité de vie. Est-ce que c’est compatible ?
Oui parce que ce ne sont pas les émissions qui font la qualité de vie. Ce qui fait la qualité de vie c’est l’interaction, c’est la qualité de participation dans la société, c’est les liens sociaux, c’est la santé, c’est une bonne alimentation et la plupart de ces choses-là soit n’émettent pas du tout de CO2, par exemple de bonnes relations, soit émettent mais en général une bonne alimentation n’est pas seulement meilleure pour la santé mais elle est aussi meilleure pour la biodiversité, pour les émissions.
Donc finalement, une réduction de 53% est possible si on arrête de faire beaucoup de choses qui ne contribuent pas au bien-être et si on se focalise sur l’essentiel donc qu’on peut parfaitement mieux vivre avec moins d’émissions.