Chaude ambiance sur le Plan climat

24 février 2025 – Gilles Labarthe
Article reproduit avec l’aimable autorisation du Courrier

Manque d’ambition, de repères, de lisibilité: les critiques s’accumulent autour du Plan climat, dit «de deuxième génération», présenté fin janvier par le Conseil d’Etat. Enjeux.

Comment le Conseil d’Etat est-il passé d’une première version du Plan climat vaudois, livrée en 2020 et sérieusement remise en cause par un audit de l’EPFL, au nouveau Plan climat 2, enfin dévoilé le 29 janvier 2025 (lire notre édition du 30 janvier 2025), mais toujours insuffisant? La députée Joëlle Minacci (Décroissance alternatives, Ensemble à gauche & POP) craint un «plan alibi».

Quels sont les principaux problèmes de ce nouveau Plan climat ?

Joëlle Minacci: L’absence d’audit qui permette d’évaluer en quoi ces mesures amèneraient des réductions effectives d’émissions de CO2, et de combien, alors que le Conseil d’Etat annonce son intention de monitorer petit à petit les actions de son Plan climat 2 en fonction des dispositions prévues. Si on ne sait pas d’où on part, avec une première photographie de la situation, ni sur quoi on se base, en termes de moyens et d’outils techniques d’évaluation, on ne saura pas comment estimer les pourcentages de réduction d’émissions de CO2 réalisés par mesure proposée, en vue d’atteindre les objectifs annoncés: -50% en 2030, – 70% en 2040.

Le Conseil d’Etat aurait été à la peine sur ce dossier ?

La première version du Plan climat (datant de 2020, ndlr) avait déjà été jugée largement insuffisante par un audit de l’EPFL notamment – document pour lequel nous avions dû insister à l’époque afin qu’il soit enfin rendu public. Cet audit notait entre autres que les mesures proposées par le Conseil d’Etat n’auraient permis une baisse d’émissions de CO2 que de 8% seulement, contre les 50% à 70% avancés. Or, cette information ne nous avait pas été communiquée. Et entretemps, nous avons voté des lois, par exemple sur les taxes automobiles, qui n’étaient pas du tout ambitieuses. Le Conseil d’Etat argumentait qu’il avait de toute façon déjà un Plan climat qui permettrait de réduire les émissions de CO2. Alors que nous aurions pu chercher à taxer davantage les véhicules les plus polluants, par exemple les SUV, cette proposition a été balayées par la majorité de droite au parlement. Malgré des interpellations lors des séances du Grand Conseil, cet audit de l’EPFL ne nous a été transmis que quelques mois plus tard.

Depuis, ses principales recommandations n’ont pas été assez suivies ?

Le Conseil d’Etat a bien proposé des mesures supplémentaires, qu’il a intégrées, par exemple au niveau des grands projets concernant les transports publics, le train, la ligne de métro m3. Mais sans points de repères ni calcul de base, on ne peut pas savoir si ces mesures nous permettront d’atteindre les objectifs fixés. Or, c’est d’autant plus important que nous devrons aussi nous prononcer sur d’autres lois, comme la loi sur l’énergie (LVLEne).

«On ne peut pas savoir si les mesures nous permettront d’atteindre les objectifs fixés»

Vous pointez aussi de nouvelles mesures peu convaincantes, comme la numérisation des déclarations d’impôts dans le but d’économiser du papier…

Elle est très symbolique, aussi du fait qu’avec ce nouveau paquet du Plan climat, les mesures présentées sont certes plus nombreuses, mais très inégales. Leur efficacité est parfois douteuse. Elle ne sont pas hiérarchisées en termes d’impact, de mise en œuvre et d’effets escomptés.

Depuis cet audit de l’EPFL, aucune expertise scientifique n’a été intégrée au groupe d’accompagnement qui a aidé à finaliser le Plan climat 2 ?

Le Conseil d’Etat a bien constitué un groupe d’accompagnement, composé de groupes d’intérêts et des représentants de la société civile, qui ont fait des observations. Le Conseil d’Etat a tenu compte de certaines de leurs critiques. Mais nous relevons d’une part l’absence de membres de la communauté scientifique dans ce groupe, ce qui est surprenant. Et d’autre part, le fait que le groupe Objectif climat (coordination d’une trentaine d’organisations issues de la société civile demandant au canton de respecter ses engagements en matière de climat et de biodiversité, ndlr) n’a pas été invité. Il est pourtant mobilisé sur ces questions depuis le début de la législature, a fait des manifestations devant le Grand Conseil et réuni toute une série d’organisations de défense du climat.

Vous l’avez signalé à l’exécutif. Quelle a été sa réaction ?

Madame Dittli, cheffe du Département des finances et de l’agriculture, a répondu que l’ATE Vaud (Association transports et environnement), qui fait partie d’Objectif climat, avait été consultée, de même que le WWF… qui, en réalité, n’en fait pas partie! Le Conseil d’Etat a estimé qu’Objectif climat n’était pas un groupe d’intérêt, au sens où il l’envisageait. C’est une manière de ne pas intégrer les groupes militants, qui ont pourtant une expertise sur ces questions. Et de ne pas les considérer comme des interlocuteurs valables. Pourtant, dans sa communication, le Conseil d’Etat appelle bien l’ensemble des parties prenantes à se mobiliser pour lutter contre le dérèglement le climatique.

Un Plan climat très politique

«Avec des mesures peu nombreuses et peu ambitieuses, alignées sur les obligations fédérales, une gouvernance floue et l’absence d’outils de suivi concrets, les Vert·e·s affichent leur profonde inquiétude et tirent une nouvelle fois la sonnette d’alarme.» A l’instar des écologistes, les partis de gauche ont également critiqué d’emblée la présentation du Plan climat 2, dès sa présentation par la Conseil d’Etat le 29 janvier 2025. Plusieurs député·es expriment aussi la crainte qu’il serve de prétexte brandi par la Conseil d’Etat et la majorité de droite pour assouplir en parallèle d’autres mesures, sur des dossiers qui seront débattus prochainement. A commencer par le remplacement des chauffages électriques en 2033, que le PLR souhaite repousser à 2040, via une motion présentée aujourd’hui devant le Grand Conseil par le député Guy Gaudard. Par ailleurs président-fondateur de la société familiale Gaudard Energies, celui-ci est un ardent défenseur du chauffage électrique. Ou l’Initiative populaire «Sauvons le Mormont» et le contre-projet du Conseil d’Etat, qui sont aussi à l’ordre du jour. Et enfin, la très attendue loi sur l’énergie, que l’UDC a déjà annoncé vouloir contrer, si elle s’avérait trop contraignante.